Archives d’Auteur: Bernard Fialaire

Échanges avec Philippe Aghion : Repenser la croissance européenne

Remarquables et éclairants échanges avec Philippe AGHION, prix Nobel d’économie, mardi 25 novembre 2025.

Que retenir ?

La croissance par l’innovation

La croissance repose sur l’innovation, non sur l’accumulation de capital. L’enseignement supérieur et la recherche constituent des enjeux de souveraineté nationale. Aghion a développé la notion schumpetérienne de destruction créatrice : la croissance doit permettre l’émergence de nouveaux talents sans que les anciens ne bloquent cette dynamique.

Le décrochage européen

L’Europe a décroché dès les années 80 avec l’avènement des nouvelles technologies. Pendant que les États-Unis misaient sur l’high-tech, l’Europe se cantonnait au mid-tech, ce qui explique son sous-investissement en R&D. Le rapport Draghi a pointé l’excès de réglementations. Nous manquons de capital-risque, notamment parce que nous n’avons pas de système de retraite par capitalisation. Notre culture culpabilise l’échec là où les Américains valorisent la prise de risque.

Aux États-Unis, la DARPA a soutenu la politique industrielle et la BARDA les biotechnologies, tandis que le Conseil européen de l’innovation restait insuffisant. Seuls 10% du rapport Draghi ont été appliqués, tant la prise de décision à 27 est difficile. Des partenariats comme celui entre la France et l’Allemagne sur l’IA s’avèrent plus efficaces.

Performance et inclusion

Attention aux laissés-pour-compte qui alimentent le populisme. L’Éducation a trop pratiqué le nivellement au lieu de tirer vers le haut. Combien d’Einstein et de Marie Curie perdus ? Même constat pour la Santé, très performante mais laissant des déserts médicaux, ou la sécurité qui laisse subsister des zones à risque. Il faut être à la fois performant et inclusif.

Les leviers d’action

La flexisécurité doit faciliter le retour à l’emploi. L’IA générera de nouvelles idées et donc de nouveaux emplois. Concurrence, éducation et flexisécurité forment les trois moteurs de la croissance. La dette provient d’un PIB par tête trop faible. Il faut travailler davantage et engager une réforme drastique des retraites, qui doit émaner des partenaires sociaux.

Sur le plan fiscal, la taxe Zucman risque de faire fuir l’IA hors de France. Il faut réduire le nombre de fonctionnaires. La suppression de la taxe d’habitation a privé les finances publiques de 24 milliards d’euros. Il convient d’évaluer la loi Dutreil, les holdings patrimoniales et France 2030. Le Crédit Impôt Recherche a produit de beaux résultats avec les Labex.

Les atouts européens

L’Europe peut attirer car elle incarne un espace de liberté, de démocratie, de progrès social et de respect de l’environnement. À la Libération, le CNR a rassemblé gaullistes et communistes, prouvant que des convergences sont possibles.

Une partie de la population ressent un sentiment d’abandon que le président Macron a sous-estimé. Il faut revaloriser la formation aux métiers manuels, comme en Suisse et en Allemagne, et faire collaborer école et entreprise. L’intolérance envers les riches découle de l’absence de mobilité sociale. La recherche à long terme doit être garantie et l’environnement réglementaire simplifié.

Nous n’avons pas suffisamment conscience du décrochage technologique avec les États-Unis. 

Nous ne pouvons faire une campagne en demandant du sang et des larmes.

 Rencontre avec Jean-Louis Borloo, ancien Ministre d’État et ancien Député

4 novembre 2025 au Sénat

À l’occasion d’un échange au Sénat sur le thème « Le fédéralisme à la française : urgence ! »,

Jean-Louis Borloo, ancien Ministre d’État et ancien Député, a partagé une analyse particulièrement éclairante.

Jean-Louis Borloo dresse un constat alarmant : la France connaît un recul préoccupant dans de nombreux domaines. L’indice de développement humain de l’ONU, autrefois deuxième au monde, la France se situe désormais autour de la trentième place. Ce déclin révèle des fragilités profondes, éducatives, sociales et institutionnelles, qui menacent la cohésion nationale.

Selon lui, la crise éducative traduit avant tout une crise de la jeunesse : une génération en perte de repères, confrontée à un système rigide, incapable d’encourager la responsabilité et l’initiative. De même, le système pénitentiaire illustre cette dérive : déshumanisé, il devrait être repensé dans une logique de réinsertion. Le secteur agricole est dans la même situation..

Jean-Louis Borloo souligne également que les chiffres du déficit public sont trompeurs. Le véritable problème n’est pas le déficit en soi, mais les causes structurelles qui y conduisent : un État trop centralisé, engoncé dans une mythologie jacobine, alors même qu’il a été « démailloté » depuis des décennies. Entre les régions, les départements, les intercommunalités et une myriade d’organismes indépendants, la France vit dans une désorganisation généralisée. L’État prétend tout diriger, mais dans les faits, plus personne ne maîtrise l’ensemble.

Cette situation est avant tout culturelle. Le pays des producteurs de biens et de services est devenu le pays des inspecteurs. Le contrôle permanent du travail des autres a remplacé la confiance et la responsabilité. Cette mentalité nuit à la prise d’initiative, freine la créativité et empêche la société de respirer.

Pour Jean-Louis Borloo, il faut « faire respirer le pays ».
Cela passe par une transformation profonde :

  • Réduire les contrôles inutiles ;
  • Redonner des compétences et un véritable pouvoir législatif aux différentes strates territoriales (provinces, régions, départements) en les rendant responsables et redevables de leurs actions ;
  • Transférer les décisions de la vie quotidienne à ceux qui vivent et agissent sur le terrain, tout en maintenant un cadre de contrôle clair et mesuré.

C’est, selon lui, la condition pour rentrer dans une société de confiance et de responsabilité.

La France doit sortir d’un « système embolisé », retrouver son énergie vitale, et miser sur sa jeunesse, véritable pépite. Sans cela, c’est la justice, la cohésion et même la démocratie qui risquent d’être en danger.

Colloque ANEV 2025

Diffusons l’histoire

Aide à la publication et prix de thèse.

Intervention dans l’hémicycle de Raphael Daubet sur la dette publique.

18/11/2025

Communiqués de presse – Octobre 2025 Sénateurs RDSE

7/10/2025 Appel au sursaut républicain


15/10/2025 Les sénateurs saluent la recherche de compromis


21/10/2025 Pour un meilleur accès aux études de santé



22/10/2025 Amélioration du statu des élus locaux


27/10/2025 Une proposition de loi pour renforcer la fiabilité du processus électoral


Proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle

10 et 11 juillet au Sénat

Pourquoi ce texte ?

La proposition de loi poursuit deux objectifs :

  • regrouper les entreprises de l’audiovisuel public au sein d’une structure stratégique légère (holding), afin de favoriser les coopérations et de renforcer les synergies ;
  • réduire les asymétries entre les médias historiques et les plateformes numériques.

La proposition de loi propose la création d’une société holding, France Médias, chargée de définir les orientations stratégiques communes à France Télévisions, Radio France et l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Cette holding pourra également créer de nouvelles filiales.

Le texte fixe les règles de gouvernance de France Médias : son Président-directeur général sera nommé par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), tandis que la direction opérationnelle de chaque entité pourra être assurée par des directeurs généraux délégués. France Médias, France Médias Monde et Arte seront dotées chacune d’une convention stratégique pluriannuelle, soumise aux commissions chargées de la culture de chaque assemblée. En cas de vote négatif à hauteur d’au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions, le Gouvernement devra modifier ce projet de convention.

Par ailleurs, le texte étend aux plateformes numériques l’obligation, déjà applicable aux chaînes payantes, de céder certains droits de diffusion à des chaînes gratuites de la TNT, pour les événements sportifs d’importance majeure. 

La durée pendant laquelle un groupe audiovisuel ne peut faire l’objet d’un changement de contrôle direct ou indirect est réduite de cinq à deux ans à compter de la délivrance de l’autorisation d’émettre pour sa chaîne principale.

Enfin, la proposition de loi comporte des mesures destinées à améliorer l’équilibre économique des chaînes de télévision privées.

Les apports du Sénat

Le Sénat a exclu France Médias Monde de la nouvelle holding de l’audiovisuel public pour la limiter, dans un premier temps, aux trois sociétés de l’audiovisuel public national (FTV, Radio France et INA).


Mes interventions

En 2e lecture au Sénat, j’ai pris la parole pour rappeler combien notre audiovisuel public mérite mieux qu’une réforme précipitée.
« Le temps ne fait rien à l’affaire », chantait Brassens… Mais en l’occurrence, 10 ans de rapports, 6 ans de projets, et un texte en urgence, est-ce bien raisonnable ?
Face aux GAFAM et à l’infobésité des réseaux sociaux, nous devons bâtir un audiovisuel public fort, innovant, protecteur de nos valeurs démocratiques.
Préserver la neutralité de l’info, garantir l’éthique, rassembler les forces publiques, refuser le monopole des grandes plateformes, l’audiovisuel public ne doit pas seulement être préservé, il doit prospérer.

🎥 À découvrir en 4 minutes ⬇️


Vote bloqué au Sénat : un triste signal pour le débat démocratique.

Le recours au vote bloqué est toujours un échec de la vie parlementaire, et le groupe RDSE le regrette.
Oui, la procédure a été précipitée, sans justification.
Oui, l’obstruction parlementaire a saturé les débats, au détriment des interventions de fond.
Et non, soutenir la proposition de loi Lafon n’est pas trahir l’audiovisuel public, bien au contraire.

Je suis un défenseur convaincu de l’audiovisuel public, que je souhaite voir se renforcer pour relever les défis du XXIe siècle.

On peut avoir des désaccords, y compris dans mon propre groupe, mais le respect doit rester la règle.

L’audiovisuel public n’est pas intouchable : le progrès suppose parfois d’évoluer même quand “tout va bien”. Refuser le changement par principe, c’est du conservatisme. Moi, je suis progressiste.
Le vrai drame de notre pays, c’est de s’être trop longtemps endormi dans un confort intellectuel.

Et comme le disait Alain, cité par mon instituteur : « Tout peuple qui s’endort dans la liberté se réveillera dans la servitude. »


Pour aller plus loin

Le dossier législatif : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-545.html
L’essentiel : https://www.senat.fr/lessentiel/ppl22-545.pdf

Épandage : le traitement des vignes par drone facilité

Interview parue dans le Patriote Beaujolais du 1er Mai 2025

Les défis de l’Opéra national de Paris

Audition de M. Alexander Neef, directeur général, et Mme Aude Accary-Bonnery, directrice générale adjointe de l’Opéra national de Paris par la commission culture du Sénat

Vous parliez d’environ 150 millions de recettes propres par rapport aux 100 millions de subventions. Dans ce montant, vous incluez le mécénat, et je souhaitais savoir quelle en est la part et comment vous pensez qu’il peut évoluer ?

La deuxième question concerne la présence de l’opéra au cinéma. Est-ce une part significative ? Quel pourcentage cela représente-t-il ?

Enfin, je me demande combien de spectacles se jouent à guichet fermé du premier jour jusqu’au dernier. Il est souvent très difficile d’obtenir des places, et les séances supplémentaires semblent particulièrement rentables sur l’investissement. Je sais que les programmations se fixent longtemps à l’avance, mais certains spectacles sont prévisibles en termes de succès. Quelle est la difficulté à rentabiliser davantage un spectacle qui fonctionne bien ?

Réponse de Alexander Neef, directeur général :

Concernant le taux de remplissage, nous sommes aujourd’hui à un niveau de 92-93 % par saison, ce qui est satisfaisant, d’autant que notre programmation vise aussi à garantir une diversité. Cela signifie que nous ne sélectionnons pas uniquement des spectacles dont le succès est certain, car nous avons l’obligation de proposer au public un répertoire large et varié. Les programmations sont décidées bien à l’avance : entre 3 et 4 ans pour le lyrique, et un peu moins pour le chorégraphique. En conséquence, l’ajout de spectacles lorsque l’un rencontre un grand succès est compliqué, car les théâtres ne sont pas disponibles.
Actuellement, les théâtres de Bastille et Garnier sont utilisés quasiment tous les jours, soit pour les répétitions, soit pour les spectacles, à l’exception d’une courte période de maintenance entre les saisons.
Ainsi, nous avons maximisé le nombre de spectacles programmables. Ces dernières années, nous avons ajouté une vingtaine de spectacles, notamment des ballets. Nous atteignons aujourd’hui la limite de ce que nous pouvons programmer sans créer une tension insupportable sur l’outil de production.

Concernant la question des 150 millions de recettes propres, le mécénat représente aujourd’hui un peu moins de 30 millions d’euros, ce qui est considérable. Son évolution a été extrêmement rapide : depuis mon arrivée à la direction de l’Opéra, en 2019, le mécénat était inférieur à 20 millions. Il devient indispensable pour notre fonctionnement, d’autant que de nombreuses initiatives, notamment en matière d’éducation artistique et culturelle, sont financées à 100 % par le mécénat. Il nous permet donc d’accomplir plus efficacement notre mission de service public. Par exemple, plusieurs programmes sont entièrement financés par le mécénat, comme l’Orchestre Lyrique des Jeunes ou le Junior Ballet. Cela crée une certaine fragilité quant à la pérennisation de ces activités, mais aussi un lien fort avec la société, en impliquant mécènes et entreprises individuelles dans nos projets.
Cet ancrage est essentiel pour la programmation.

Récemment, nous avons lancé un projet visant à pérenniser ces activités : un fonds de dotation inconsomptible, permettant de constituer un capital dont les revenus serviront à financer certaines activités de façon durable. En parallèle, certains mécènes s’impliquent également dans les nouvelles productions, ce qui est devenu un élément essentiel de notre fonctionnement.

Enfin, un autre volet crucial est celui des recettes issues des visites du Palais Garnier. Avec 1,2 million de visiteurs et des recettes s’élevant à 12-13 millions d’euros, ces chiffres témoignent de notre stratégie de diversification, qui jouera un rôle de plus en plus déterminant pour l’équilibre économique de l’Opéra dans les années à venir.



L’intégralité de l’audition sur le site du Sénat

Proposition de loi sur le traitement des maladies des cultures végétales par aéronefs télépilotés

Discussion générale – 9 avril 2025 dans l’hémicycle du Sénat

Nous sommes ici pour confirmer notre vote de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur.

La principale différence entre le texte qui nous est soumis et le dispositif précédemment adopté réside dans le pourcentage minimal de pente nécessaire à l’autorisation de l’épandage par drone : alors qu’il était de 30 %, il est désormais établi à 20 %, ce qui me semble tout à fait pertinent : il permettra à davantage d’agriculteurs de bénéficier de cette innovation.
Ce débat permet surtout de rappeler combien cette proposition de loi semble vertueuse pour l’évolution de notre agriculture et de notre sécurité alimentaire.

Il est nécessaire de revenir sur cette surtransposition en permettant, comme les autres pays européens, d’utiliser l’innovation permise par les drones lorsqu’elle présente des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications terrestres.

Cette technologie n’en est qu’à ses prémices, mais ce texte enverra un signal fort à la recherche et à l’innovation.

Une innovation au service de la réduction de l’exposition des opérateurs, mais aussi de la quantité globale de produits phytopharmaceutiques et d’eau utilisés !

Une innovation au service de l’attractivité du métier agricole, par la réduction des contraintes et de la pénibilité, alors que se profile le mur du renouvellement des générations en agriculture.

Une innovation enfin qui va aussi sauver de l’arrachage des vignobles héroïques comme j’en connais chez moi dans certains coteaux beaujolais.
Nous le savons, ce texte a suscité beaucoup de débats à l’Assemblée nationale. L’écriture proposée ici est un compromis équilibré et proportionné possible, où la protection de l’individu et de notre environnement sont prises en compte.

Les dispositions de ce texte permettent d’améliorer les conditions de travail sans atteindre nos acquis en matière environnementale puisqu’elle se circonscrit à l’épandage de produits à faible risque ou autorisés en agriculture biologique. 

L’Anses conservera la responsabilité d’évaluer les avantages et les risques de cette méthode puisque cette levée d’interdiction de principe ne suffit pas à autoriser les pulvérisations de produits phytopharmaceutiques par drone. Il restera nécessaire d’étendre à un usage aérien les autorisations de mise sur le marché des produits concernés. 

Elle aura ainsi toute compétence pour accompagner l’extension d’homologation par la définition de précautions d’emploi, voire de limitations d’usages.

Un garde-fou nécessaire puisqu’en entendant déroger au principe général d’interdiction de pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques, ce texte se base sur une expérimentation ayant fait l’objet d’une évaluation par l’Anses dont le rapport a émis des résultats mesurés. 

Elle a en effet conclu que si le recours à des traitements par drone apparaît comme « une solution et une alternative intéressante pour protéger les cultures des bio-agresseurs », les « performances des drones de pulvérisation apparaissent encore inférieures à celles de pulvérisateurs terrestres classiques ». 

Ces essais doivent donc être « considérés avec précaution compte tenu du jeu de données très restreint », « l’analyse des données ne permet donc pas, à ce stade, de dégager des conclusions générales robustes compte tenu des incertitudes observées ». 

C’est pourquoi, en restreignant cette dérogation à des produits à faible risque ou autorisés en agriculture biologique, ce texte permet en un sens de prolonger cette expérimentation sans risque sanitaire ou environnemental, d’envoyer un signal positif à la recherche et à l’innovation tout en accompagnant nos agriculteurs pendant que se prépare la technologie du futur :  une identification des maladies sur pied afin de les traiter dès la première infection.